Les Planificateurs de Kim Un-Su
La Corée du Sud, comme celle du Nord car elles héritent d’une même histoire commune antérieure à la partition, développent des cultures d’une grande puissance, mais parcourues d’explosions de brutalité.
La proclamation en 2024 d’une loi martiale, qui n’aura pas duré plus d’une journée, mais dont les répercussions sont loin d’être éteintes, par le président Sud-Coréen Yoon Suk-Yeol, a rappelé cette violence en politique qui, depuis la partition de la Corée du Sud, a vue plus de la moitié de ses présidents conquérir le pouvoir ou en être écartés par des coups d’état ou la proclamation de lois martiales (et nombre des autres être destitués pour corruption).
Un autre visage de cette violence émerge dans sa culture littéraire. Le terme de « Planificateur », titre de ce livre de Kim Un-Su, symbolise le meurtre, criminel ou syndrome des aspects les plus malsains de la culture politique Sud-Coréenne.

Le planificateur n’est pas l’assassin, pas de sa main en tous cas, ni le commanditaire du meurtre, il est celui qui fait métier et profession de tout organiser pour que le meurtre, qui sera exécuté par un tueur à gage sans importance, se réalise dans les exactes conditions requises, afin d’avoir l’exact résultat souhaité. Doit-il résulter en un scandale public ou être totalement ignoré, s’agit-il d’effacer la responsabilité du coupable véritable dans l’accident irresponsable ou criminel, d’un fils de dignitaire, où au contraire de compromettre une personne à écarter du pouvoir.
Ainsi retrouve-t ’on ces personnages de l’ombre dans de nombreux polars Coréen, qu’il s’agisse du roman Made in Gangnam de Ju Wonk-yu, en traduction française chez Picquier, ou des Planificateurs de Kim Un-Su.
Ici, dans ce roman publié d’abord dans la collection l’Aube noire (Editions de l’Aube), puis chez Point en poche, un ancien trust d’assassins se regroupe dans « la Bibliothèque des Chiens », autrefois le plus puissant cartel d’assassinat, fournissant en meurtriers tous les planificateurs. Mais le métier change. Très concentré à l’époque des dictatures militaires, car les personnes au pouvoir pouvaient simplement envoyer l’armée et détenir arbitrairement, torturer et faire disparaitre leurs ennemis, l’artisanat du meurtre s’est industrialisé, un ancien protégé du directeur de la bibliothèque, un autre parrain de l’assassinat émerge, quand la bibliothèque décline, et les seconds couteaux se multiplient, avec des ressources amateures, des tueurs importés de Chine à bas prix, la boue des bas-fonds.
Découvrez, la philosophie absurde de Laesaeng, assassin sans conviction, dernier fils adoptif du directeur de la Bibliothèque, à la veille peut-être de sa disparition. Le meurtre made in Korea, un théâtre de l’absurde.
Les Planificateurs de Kim Un-Su, est publié aux éditions de l’Aube et en poche au Point, a été traduit par Pierre Bisiou et Choi Kyungran.
Lire aussi : Made in Gangnam, de Ju Wonk-yu, chez Picquier
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